Deuxième article de la série de 3 articles consacrée au résumé du livre « L’enfant » de Maria Montessori, dans lequel Maria Montessori décrit sa pédagogie. Après avoir abordé dans le premier article, les idées clés de la pédagogie de Maria Montessori décrites dans son livre (La pédagogie de Maria Montessori à travers son livre « L’enfant » – Les idées-clé (Partie 1/3)), nous allons maintenant nous concentrer comprendre plus en détail les notions fondamentales :
- les « périodes sensibles » qui expliquent un grand nombre de caprices et permettent de les solutionner,
- la posture que l’adulte ou l’éducateur doit adopter pour guider l’enfant au mieux dans son développement,
- les critères à prendre en compte pour concevoir des activités/matériels que l’on propose aux enfants.
Les périodes sensibles de l’enfant et les caprices
Maria Montessori présente ensuite les « périodes sensibles » du développement de l’enfant, notion qui est fondamentale dans sa réflexion pédagogique. Ces périodes sont caractérisées par des sensibilités particulières, des quêtes, qui se retrouvent chez tous les enfants mais pas forcément au même âge ni avec la même intensité. Le développement de l’enfant se faisant par bonds et non de manière linéaire et régulière, il passe par une succession de périodes au cours desquelles il montre une sensibilité particulière à quelque chose, développe plus facilement certaines aptitudes et s’intéresse plus intensément à certains exercices. « Ces périodes sont passagères et se limitent à l’acquisition d’un caractère déterminé. Une fois ce caractère développé, la sensibilité cesse ». Par ailleurs, lorsque l’enfant est dans une période sensible, il est « sensible à certaines choses » et reste complètement « indifférent à d’autres » : il devient exclusif à l’apprentissage de certaines aptitudes.
Les sensibilités développées dans ces périodes conduisent les enfants à accomplir des actes stupéfiants, des acquisitions impressionnantes, sans efforts visibles, sans se fatiguer, avec joie et simplicité, même si ces acquisitions nécessitent beaucoup de travail. Par contre, si l’enfant n’a pas pu obéir aux directives de sa période sensible, le même apprentissage se révélera être un travail très contraignant, un effort de la volonté et occasionnera beaucoup de travail. Il est donc important de tenir compte de ces périodes sensibles dans l’éducation, afin de mettre à disposition dans l’environnement de l’enfant, tout ce qui va lui permettre d’apprendre seul, guidé par ses périodes sensibles et son esprit absorbant.
Les périodes sensibles permettent également de comprendre beaucoup de « caprices » d’enfants. Ils sont très souvent l’expression extérieure de besoins insatisfaits, qui disparaissent immédiatement quand il est possible de les comprendre et de les satisfaire. Il est important que les adultes cherchent au maximum la cause d’un caprice pour permettre à l’enfant de ne pas dévier de son plan interne de développement et pour pacifier les relations « enfant-adulte ». Attention : il ne s’agit pas non plus de répondre positivement à des demandes néfastes à l’enfant, telles que lui donner autant de sucrerie qu’il le désire ou le laisser regarder aussi longtemps qu’il le souhaite la télévision ou jouer à des jeux vidéo. Il peut s’agir par exemple, de prendre le temps de le laisser mettre ses chaussures seuls, d’aligner les chaussures dans l’entrée…
NB : vous pouvez retrouver cette définition sur la page dédiée aux définitions concernant la pédagogie de Maria Montessori ainsi que dans le glossaire des termes utilisés sur ce site .
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Les périodes sensibles des 0/6 ans
Si chaque enfant développe ses périodes sensibles à un âge qui lui est propre, dictées par la nature, Maria Montessori a cependant constaté qu’il est possible de situer le moment de certaines périodes. Ainsi, elle a observé que pour les 0/6 ans, les principales périodes sensibles sont les suivantes :
- L’ordre : plus marqué dans les deux premières années de vie. Le jeune enfant a un besoin d’ordre extérieur (besoin que les choses soient à leur place) et un besoin d’ordre intérieur (prise de conscience des différentes parties de son propre corps et de leurs positions). L’enfant fait preuve, pendant cette période, d’un intérêt immense pour la place des choses dans le temps et dans l’espace : tout doit être à sa place. Ce besoin est souvent mal compris par l’adulte, surtout la première année, et il explique de nombreuses manifestations d’agitation, de cris ou de pleurs chez le tout petit.
- La découverte sensorielle / l’affinement des sens : le jeune enfant est naturellement attiré par la lumière, les couleurs, les sons : il porte un grand intérêt aux impressions sensorielles en tout genre. Il cherche à perfectionner l’usage de ses différents organes sensoriels : audition, olfaction, vue et toucher. Cette précision dans les perceptions sensorielles lui permettra de percevoir toutes les subtilités de son environnement futur.
- Le langage / nommer des images et des objets qui entourent l’enfant : le bébé, sans l’aide de professeurs, ni de leçons, apprend parfaitement, dans ses moindres subtilités, la (ou les) langue(s) parlée(s) autour de lui. Ensuite, l’enfant cherche à nommer et découvrir toutes les images ou objets qui l’entourent. Il accroit ainsi intuitivement son vocabulaire et son intelligence. Très rapidement, il arrive à faire le lien entre les images et les objets réels en 3D.
- Le mouvement / la marche : le mouvement est un besoin biologique vital chez l’enfant. Il est un moyen pour lui d’entrer en contact avec son milieu : l’enfant a besoin d’expérimenter ce qu’il découvre à travers son corps. L’activité est le moteur de sa croissance psychique.
L’acquisition de la marche est une étape fondamentale : elle nécessite de la part de l’enfant, beaucoup d’efforts et de coordination, pour arriver à trouver l’équilibre. C’est l’instinct qui permet à chaque enfant de surmonter cette périlleuse difficulté. Il ne faut donc pas entraver ce développement en imposant systématiquement poussette, parc, trotteur… Et une fois la marche acquise, pour que l’enfant puisse se perfectionner, il faut prendre le temps de le laisser progresser à son rythme lent et selon ses envies, en le laissant admirer et découvrir les choses qui l’entourent, même si celles-ci peuvent nous paraitre banales ou inintéressantes. - Le perfectionnement de l’usage de la main / la coordination des mouvements : la main est l’organe moteur au service de l’intelligence pour la réalisation d’un travail. Le développement de la coordination œil-main est donc primordial. Pour Maria Montessori, c’est la main qui permet à l’intelligence de l’homme de se distinguer de celle des animaux : c’est grâce à elle que l’homme peut « prendre possession de l’ambiance, la transformer et guidé par l’intelligence, d’accomplir sa mission dans le cadre de l’univers ». D’où l’importance de ne pas empêcher l’accès aux objets entourant l’enfant dans l’environnement dans lequel il passe la majeure partie de son temps, par peur qu’ils ne les abiment. Il est aussi bon de mettre à disposition de l’enfant les objets d’adulte qui l’intéressent.
- Le perfectionnement des actes / l’imitation de l’adulte : l’enfant cherche à imiter l’adulte et ses gestes : passer l’aspirateur et le balai, laver avec une éponge, s’habiller seul, se peigner, dire bonjour… L’adulte devra faire attention à ne pas faire à la place de l’enfant, pour aller plus vite, ou pour aider l’enfant dans une activité vue par l’adulte, comme très compliquée et/ou fatigante. « En voyant les efforts de l’enfant pour exécuter une action souvent inutile ou futile et que l’adulte pourrait accomplir en un instant et avec bien plus de perfection, il est tenté de l’aider, interrompant ainsi un travail qui le gêne ». L’adulte a tendance à « s’irriter, non seulement parce que l’enfant essaye en vain d’accomplir un geste, mais il est irrité par son rythme, par sa façon de se mouvoir, différente de la sienne. »
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L’éducation nouvelle : la démarche novatrice proposée par Maria Montessori, centrée sur l’adaptation de « l’ambiance » aux besoins des enfants
Forte de ses observations vérifiées sur un nombre important d’enfants, en particulier dans les nombreuses Maisons d’Enfants dispersées à travers le monde entier, Maria Montessori nous livre dans la deuxième partie de son livre, les principes qui constituent « l’éducation nouvelle ». C’est une éducation qui est révolutionnaire par rapport aux différents types d’éducations existants au début du XXème siècle et, qui aujourd’hui encore, est considérée par un grand nombre d’éducateurs comme un modèle à suivre. Les grands principes de cette nouvelle éducation sont exposés dans les trois points ci-dessous.
1. Adaptation de l’environnement / de l’ambiance à l’enfant
Maria Montessori part du constat que l’environnement de l’adulte n’est pas adapté à l’enfant (l’environnement est aujourd’hui souvent beaucoup plus adaptés aux jeunes enfants que cela ne l’était au début du XXème siècle). Un environnement dédié, répondant complètement aux besoins/quêtes de l’enfant doit être mis en place.
- principe fondamental : cet environnement doit éliminer au maximum les obstacles. Il doit être riche, varié, ordonné et sécurisé. Il doit offrir à l’enfant la possibilité d’explorer et d’agir de façon autonome, de se mettre facilement en lien avec l’autre. Il doit répondre aux besoins et à l’esprit absorbant des enfants (par opposition à un programme extérieur).
Les besoins de l’enfant étant différents à chaque période sensible, chaque période sensible doit correspondre à un environnement spécifique
- l’environnement matériel doit être adapté aux proportions du corps enfantin et doit être accueillant : pièces claires, lumineuses, aux fenêtres basses et fleuries, aux meubles petits…
2. Attitude de l’éducateur : il doit être un guide pour l’enfant
L’attitude de l’éducateur est centrale dans l’éducation nouvelle proposée par Maria Montessori. Sa présence est indispensable mais elle doit être le moins interventionniste possible.
- L’éducateur doit être un maître « passif » qui doit cependant s’assurer que l’enfant développe son intelligence : l’éducateur se doit d’être sans autorité, puisqu’il est sans enseignement. Il doit se satisfaire de voir l’enfant agir et progresser seul, sans s’en attribuer le mérite. L’éducateur ne doit pas mettre l’enfant en échec et il doit laisser l’enfant libre du choix de l’exercice. L’enfant doit apprendre tout seul, libre dans le choix de ses occupations et de ses mouvements. Cependant « cela ne veut pas dire que [le maître] doive approuver tous les actes de l’enfant, ni s’abstenir de juger celui-ci ou qu’il ne doive rien faire pour développer son intelligence et ses sentiments ; bien au contraire, il ne soit pas oublier que son devoir est d’éduquer, d’être positivement le maître de l’enfant ».
Maria Montessori définit par ces mots le rôle de l’adulte :
« Il faut bien que l’adulte se persuade qu’il doit n’occuper qu’une place secondaire ; il faut qu’il s’efforce de comprendre l’enfant avec le désir de se faire son auxiliaire. (…) Si la personnalité de l’enfant (qui est faible) doit être aidée dans son développement par celle de l’adulte (qui est puissante), il faut que celle-ci sache se faire indulgente et, prenant comme point d’appui le guide que constitue pour lui l’enfant, considère comme son propre honneur de pouvoir le comprendre et le suivre. »
- L’éducateur doit protéger au maximum la concentration de l’enfant. Maria Montessori insiste sur le fait que le développement de la concentration de toute son attention est fondamental à la capacité future des enfants à développer leurs compétences pédagogiques et sociales. « De telles concentrations, qui rendent insensible au monde extérieur n’étaient pas courantes (à l’âge où l’attention est instable) mais se répétèrent pourtant (grâce au matériel didactique proposé) ». La concentration de l’enfant permet le rassemblement de tout son être dans sa trajectoire normale de développement. Elle aide à la mise en « ordre » dont l’enfant a besoin pour son activité de construction de soi.
- L’éducateur doit être bienveillant, par une attention vraie et une absence de jugements positifs ou négatifs.
- L’éducateur ne doit pas fournir les réponses aux questions des enfants. Dans la mesure du possible, il doit leur fournir les « indices » qui leur permettront de trouver eux-mêmes leurs réponses.
- L’éducateur doit permettre la répétition de l’exercice. L’éducateur doit s’assurer que l’environnement reste toujours ordonné, pour faire naître l’intérêt et la concentration.
- L’éducateur doit accorder beaucoup d’importance à l’exactitude des enseignements qu’il propose. En effet, Maria Montessori constate que « plus un exercice était enseigné avec exactitude, plus il semblait devenir stimulant à répétitions inépuisables ».
- Pour toutes les activités sensorielles, l’éducateur doit se taire, afin de laisser l’enfant se concentrer sur ses sens.
- L’éducateur doit associer l’apprentissage de la lecture à l’écriture.
3. Matériel pédagogique adapté
Le matériel pédagogique doit permettre d’accompagner l’enfant dans sa quête quotidienne d’autonomie et d’apprentissage de sa culture. Il doit donc répondre aux caractéristiques suivantes :
- clarté cognitive
- isolement d’un concept : 1 objet pédagogique = 1 notion nouvelle
- faire partie d’un ensemble d’activités conçu avec une progressivité extrêmement pertinente
- esthétique et attrayant
- être, le plus possible, autocorrectif
- un maximum de sens doivent être sollicités
Pour les jeunes enfants, le matériel et les activités pédagogiques doivent être principalement « Pratique » et « Sensoriel » afin de répondre aux besoins de mouvement et d’activité physique, caractéristiques de cette période sensible. Les exercices de mouvement dont l’erreur peut être contrôlée, sont aussi particulièrement appréciés. En plus de développer la concentration, ils permettent de perfectionner le contrôle de son corps. Maria Montessori cite, à titre d’exemples : le jeu du silence (qui au-delà de l’arrêt de la parole consiste à arrêter tout mouvement et à se déplacer sans un bruit), se mouvoir à travers des obstacles sans les heurter, courir légèrement sans bruit pour devenir souple et agile.
Un tel matériel pédagogique permettra à l’enfant de développer sa concentration, tout en le laissant satisfait, reposé et heureux.
En synthèse, les fondements de l’éducation nouvelle repose sur l’adaptation complète de l’ambiance, du milieu de vie de l’enfant. L’enfant pourra ainsi prendre dans cet environnement tout ce dont il a besoin pour s’épanouir selon son propre plan interne de développement.
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Et vous ?
Avez-vous lu ce livre ? Qu’en avez-vous pensé ? Est-ce qu’il a eu un impact sur votre vision de l’éducation ? Avez-vous modifié votre façon d’agir avec vos enfants suite à cette lecture ?
Et si vous ne l’avez pas lu, que pensez-vous des grands principes de Maria Montessori décrits dans cet article ? Êtes-vous en adéquation ? Est-ce que cela donne du sens à certaines situations vécues ?
Votre avis m’intéresse, car il permet de confronter différentes expériences, différents points de vue et, de cette façon, d’approfondir la réflexion.
Je compte donc sur vous pour laisser un commentaire ci-dessous ! Merci 🙂
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Livre recommandé
Edition : Desclée De Brouwer
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Maria Montessori, Livre L’enfant de Maria Montessori, périodes sensibles, pédagogie